Notre association

;-)

Souvenirs ... souvenirs ...

S'UNIR POUR SERVIR

Informations Marine


Les sorties à terre

Cela peut paraître incongru de nos jours, mais dans les années soixante il n'était pas question, pour les marins militaires, de revêtir l'habit civil. A terre comme bord, quelles que soient les circonstances, le ressortissant de la Royale devait toujours porter l'uniforme. Autre exigence de l'époque : le salut. Omettre de saluer un supérieur ou la Les sorties à terrepatrouille était passible de dix tours de consigne. Et quand on sait qu'au port le matelot est astreint à rester une nuit sur trois à bord pour assurer son tour de garde, dix tours de consigne ça fait mal… De surcroît, même les soirs de quartier libre, il doit passer au crible de l'inspection des permissionnaires, sorte de roulette russe qu'il aborde toujours avec appréhension. Selon l'humeur de l'officier de garde en effet, tout peut arriver.: des chaussures mal cirées, une tache sur la vareuse, un pantalon froissé, des cheveux trop longs et c'est le refoulement assuré. Combien de permissionnaires ont-ils manqué leur train pour un col mal blanchi ou un lacet dénoué ?

C'est dans ce type de situation que l'expression "La Royale" prend tout son sens, mais aussi que des haines irrépressibles naissent parfois. Il n'est pas rare que l'officier trop intransigeant retrouve sa voiture endommagée, pneus crevés, essuie-glaces arrachés et même comme cela s'est produit, noyée dans la darse. Autre domaine où l'on ne badine pas.: la ponctualité. Une minute de retard à la coupée équivaut à cinq tours de consigne. Scrupuleusement tenue par le capitaine d'armes ou bidel, "la peau de bouc" est toujours bien garnie. Interdits de sortie, les "consignés" et autres "taulards" ne restent jamais inactifs. Jusqu'à l'heure du "dégagé", ils sont de toutes les corvées. Seuls instants de délassement.: le soir après l'appel. Cette rigueur draconienne entraîne des situations extrêmes. Aussi voit-on parfois des garçons "faire le bord" au sens réel du terme, c'est-à-dire rejoindre Toulon ville.



Chicago, paradis des matelots…

Lieu mythique s'il en est, le quartier toulonnais du "Petit Chicago" doit son nom et sa renommée à la faune interlope qui le hante et aux péripéties nocturnes qui l'agitent. Peuplé de prostituées, des barmaids, de macs, de marins en goguette et autres individus peu recommandables, il est le prototype même du quartier malfamé. Pas un jour ne passe sans qu'une altercation, une bagarre, un règlement de compte, voir un meurtre, ne s'y produise. De quoi saturer la chronique quotidienne des faits divers. Pourtant, tous les marins vous le diront.: c'est à Chicago qu'on s'amuse le plus, c'est là qu'on mange le mieux, c'est là qu'on reçoit un peu de douceur féminine et c'est là surtout qu'on communie entre potes dans la chaude atmosphère d'une taverne ou d'un resto bon marché. Pour les matelots soumis aux dures réalités de la vie à bord, Chicago c'est la terre promise, l'endroit où l'on peut tout se permettre, évacuer son stress, s'éclater en toute liberté. Chaque bâtiment y a son bar attitré. Les rubans des bonnets empilés sur le Chicago, paradis des matelotscomptoir portent tous le même nom. L'intrus est vite détecté. S'il a fait l'objet d'une invitation, pas de problème. Sinon c'est l'éjection. A partir d'une certaine heure toutefois, généralement après le dîner, les bordées se forment et, selon le cliché bien connu, les gars passent d'un troquet à l'autre, bras dessus, bras dessous, se soutenant mutuellement. De la rue du Canon à la rue Victor Micholet en passant par les rues des Savonnières, de Pomet, du Bon Pasteur, Larmodieu, Chevalier Paul, Nicolas Laugier, de l'Hôpital, l'effervescence est à son comble. C'est le moment le plus chaud de la soirée, là où éclatent les disputes et les pugilats. La police et la patrouille sont rarement à la fête. Les bars de la "Basse Ville" (autre nom de Chicago) portent tous des noms évocateurs.: Le Marsouin, l'Escadre, l'Enfer, Le Richelieu, Le Jean Bart, Le Chevalier Paul, La Chaloupe, Le Clapotis, les Cinq Parties du Monde, L'Aiglon, Chez Azade, Le Maritima... Quant aux restaurants, s'ils ne paient pas de mine, ils ne manquent jamais de pittoresque, ni de typicité. Qu'elle soit française, arabe, chinoise, italienne, turque ou espagnole, la cuisine y est toujours savoureuse et… copieuse. C'est qu'on a faim à 20 ans.!

Contrairement à une idée reçue, Chicago n'abrite pas de maisons closes. Le tapin s'y fait directement (et discrètement) sur le trottoir et la conclusion à l'hôtel voisin. Pour les bordels "officiels", toujours actifs des Remparts et de la porte d'Italie, La Maison-Blanche, les Glycines, le Vert Galant et autres établissements bien nommés y ont pignon sur rue. Contre un jeton payé à la maquerelle, de lascives hôtesses vous entraînent à l'étage. En matière de discipline.: tolérance zéro, les clients doivent rester courtois et respectueux. Pour l'hygiène et la prophylaxie, les maisons sont intraitables.: chaque fille est soumise à une visite médicale hebdomadaire. Brefs, des établissements respectables, qui défrayent rarement la chronique, où le risque de contracter une MST est proche de zéro. Pour revenir à Chicago et à son univers frelaté, comment ne pas évoquer les "figures" qui en font la renommée.: ces gargotiers conspirateurs à l'accent ajaccien, ces souteneurs gominés portant beau, ces "videurs" patibulaires aux épaules carrées, ces "choufs" truculent qui offrent des "TG", ces clodos philosophes au verbe haut. Mais Chicago c'est aussi et surtout le domaine de ces dames.: le fin minois de Minouche, collectionneuse d'amants en uniforme, l'énergie débonnaire de Rosette, patronne du Marsouin, l'énigmatique beauté d'Eva la Polonaise, le tempérament de feu de Miquette, "recordwomen du monde de dépucelage d'arpètes", les mœurs dissolues de Christine, friande de parties fines, sans oublier Marie-Rose et ses pitoyables exhibitions publiques. Usée jusqu'à la corde, ravagée par l'alcool, rongée par la drogue, la malheureuse vit d'expédients. Son attraction favorite.: récupérer les pièces de monnaie qu'on lui lance avec ses parties génitales après avoir retroussé sa jupe. Le comble de la déchéance…

> à visiter : http://www.mes-annees-50.fr/toulon_chicago.htm



La vie à bord

Pour décrire le quotidien d'un équipage d'escorteur d'escadre dans les années soixante, quoi de mieux que de faire appel à ses souvenirs.? S'agissant des repas par exemple, on oublie pas sa toute première corvée de gamelle. "Pas de cafétéria à l'époque.! Nous mangeons dans les postes après avoir rangé les hamacs dans les bastingages et monté les tables et les bancs (fixés au barreau pour la nuit). Nous sommes par tables de huit et chacun utilise ses couverts, son quart et son assiette en fer-blanc. L'ambiance est fraternelle". Il faut rajouter.: Midi et soir à tour de rôle, deux hommes, l'un de gamelle, l'autre de bidon, vont quérir la pitance du groupe. Le préposé à la gamelle va en cuisine, dans la partie centrale du bâtiment, pour récupéré le plat chaud.; celui du bidon va à la cambuse, à l'extrême avant, pour prendre le pain, le dessert et le cambusard. Chaque corvée a ses inconvénients. La première fois que je l'on se rends en cuisine, on doit monter une échelle, suivre une coursive, ouvrir une lourde porte étanche, traverser une portion de pont balayée par le vent et ouvrir une seconde porte étanche. A l'aller, pas de La vie à bordproblème.! Mais au retour oh là, là.! Le plateau supérieur de la gamelle étant réservé à la salade, le cuistot y a déposé une généreuse portion de laitue. Or, à peine la porte ouverte pour traverser le pont, que la salade s'envola dans les tourbillons d'embruns. Le mistral soufflait très fort.

Par mauvais temps, si elle préserve les gars d'un passage sur le pont, la corvée de bidon n'en est pas moins acrobatique. Située dans la partie avant du bâtiment, là où çà remue le plus, la cambuse est d'autant plus difficile d'accès qu'il faut passer par un "trou d'homme" avant de descendre une échelle verticale. Cela demande explication.: "Nous devions nous cramponner car, selon l'angle induit par le roulis ou le tangage, soit nous que nous devions accomplir un effort démesuré pour descendre ou monter, soit nous sommes propulsés comme une balle vers le bas ou le haut. Tout cela à quelques secondes d'intervalle et sans lâcher le bidon.! "De nuit, lorsque la mer est grosse, les relèves de quart ne sont pas tristes non plus. Au poste des "choufs" sis à l'arrière du bâtiment à cheval sur les arbres d'hélices, la situation est parfois indescriptible. Imaginez des dizaines de hamacs qui se balancent et s'entrechoquent. Imaginez le ronflement des copains, le grondement des paquets de mer, le grincements, les vibrations, le cliquetis des bouteilles dans les caissons… Imaginez le sol brassant une eau saumâtre, souillée de vomissures (malgré les portes étanches l'eau s'infiltre)… Alors quand, les dix minutes avant minuit ou 4 heures, le planton vous aveugle de sa lampe-torche en vous secouant brusquement "Debout, c'est l'heure de ton quart.!" on se demande vraiment ce qu'on fait là. Et il faut encore se vêtir en jouant les équilibristes, retrouver ses chaussures qui voguent quelque part, essorer ses chaussettes imbibées, capeler son parka, emprunter l'échelle et traverser le pont noyé d'embruns en se cramponnant à la "ligne de vie". Toute cela dans le noir absolu.! Si elle comporte de bons moments, c'est vrai, la vie de marin, c'est aussi cela...